ERAMA
 

Les parures, expression de l’autorité des princesses celtiques à l’âge du fer

Hélène Duchamp

“Dans toute la Gaule, il n’y a que deux clas­ses d’hommes qui comp­tent pour quel­que chose et qui soient hono­rées ; car la mul­ti­tude n’a guère que le rang des escla­ves, n’osant rien par elle-même, et n’étant admise à aucun conseil. La plu­part, acca­blés de dettes, d’impôts énormes, et de vexa­tions de la part des grands, se livrent eux-mêmes en ser­vi­tude à des nobles qui exer­cent sur eux tous les droits des maî­tres sur les escla­ves. Des deux clas­ses pri­vi­lé­giées, l’une est celle des drui­des, l’autre celle des che­va­liers.” César, Guerre des Gaules, VI, 13.

Quand l’archéo­lo­gie révèle ce que cer­tains textes anti­ques ne décri­vent qu’à tra­vers le regard d’un conqué­rant, la réa­lité est tout autre. Ou du moins, bien plus com­plexe qu’il n’y paraît. Vestiges mobi­liers et a for­tiori immo­bi­liers sont alors mis au ser­vice de la recher­che por­tant sur des socié­tés pro­to­his­to­ri­ques for­te­ment hié­rar­chi­sée. Depuis l’âge du Bronze, éléments d’arme­ment, d’arra­che­ment et de paru­res retrou­vés en contex­tes cultuels ou domes­ti­ques, en pas­sant par les restes de fes­tins et de pra­ti­ques reli­gieu­ses cen­trées sur le thème des liba­tions et des offran­des du IIe âge du Fer, repré­sen­tent des don­nées per­met­tant d’appré­hen­der la place des élites diri­gean­tes au sein des agglo­mé­ra­tions de ces époques. Mais sur­tout, autant de don­nées appar­te­nant au genre mas­cu­lin d’une société basée sur le patriar­cat.

La femme fait partie inté­grante de ces socié­tés. Les nom­breux restes de paru­res fémi­ni­nes décou­verts à ce jour en France au sein des sites, et notam­ment des tombes du Ier et du IIe âge du Fer, sem­blent en effet attes­ter d’un statut par­ti­cu­lier pour cer­tai­nes d’entre elles. Les ensem­bles funé­rai­res fémi­nins se mon­trent aussi four­nis en paru­res que les tombes mas­cu­li­nes. « Princesses » appar­te­nant à une classe sociale diri­geante ? Volonté d’affir­mer une iden­tité sexuelle et sociale, une appar­te­nance ter­ri­to­riale ou eth­ni­que ? La néces­sité de se parer ne répond à aucun besoin vital mais avant tout à des préoc­cu­pa­tions socia­les. Le fait de porter un bijou, un acces­soire, dis­tin­gue chaque membre de la société en fonc­tion de son sexe, de son âge ou de sa richesse. Leur port en carac­té­rise les plus hautes sphè­res.

Qu’elles soient faites d’or, d’ambre, d’alliage cui­vreux, de verre ou encore d’os, ces paru­res obéis­sent à la mode et sont un sym­bole du statut de la per­sonne qui les porte : les modè­les les plus com­plexes, les plus coû­teux et les plus récents, dis­tin­guent les femmes aisées.

La recher­che archéo­lo­gi­que ne vise pas seu­le­ment à clas­ser et à docu­men­ter ces objets en vue de la créa­tion de typo-chro­no­lo­gie à la base des data­tions usi­tées au sein des rap­ports de fouilles. Elle vise également à com­pren­dre la place du fémi­nin face à l’auto­rité et au pou­voir et aussi à appré­hen­der autant que faire se peut le rôle que la femme peut tenir au sein des agglo­mé­ra­tions pro­to­his­to­ri­ques étudiées.