ERAMA
 

Femmes de lettres à l’époque républicaine

Marie Viallet

Pour l’époque répu­bli­caine, le seul corpus de cor­res­pon­dance dont nous dis­po­sons est celui de Cicéron. Les autres textes n’appa­rais­sent la plu­part du temps que sous forme de frag­ments. Ceux-ci ont été ras­sem­blés et édités au cours des années 70 par Paolo Cugusi, dans ses deux recueils des Epistolographi Latini Minores : ce recen­se­ment de toutes les men­tions de let­tres, dans la lit­té­ra­ture latine et grec­que, permet d’avoir un état de la ques­tion épistolaire à l’époque qui nous concerne.

Dès lors que l’on s’inté­resse aux cor­res­pon­dants fémi­nins, le nombre de frag­ments devient plus res­treint : treize femmes seu­le­ment (de Cornelia à Julie), sur un total de trois cent cin­quante per­son­na­ges.

La nature des textes eux-mêmes pose pro­blème. Sur soixante-neuf frag­ments, nous ne dis­po­sons que de deux textes auto­gra­phes de lon­gueur consé­quente, dont l’authen­ti­cité même a été sujette à cau­tion. Les autres let­tres ne nous ont été trans­mi­ses que par voies (et voix) indi­rec­tes : réé­cri­ture de for­mu­les ser­vant de point de départ à une réponse, para­phrase, évocation dans le récit d’un his­to­rien, res­ti­tu­tion nar­ra­ti­vi­sée de la lettre.

Souvent, le contenu ini­tial est, au fil du temps, de plus en plus réé­crit et recom­posé par son uti­li­sa­teur. A tra­vers cette super­po­si­tion de fil­tres, la ques­tion d’une écriture fémi­nine peut se poser : une typo­lo­gie se dégage-t-elle ? Quelle est l’influence de l’émetteur et du des­ti­na­taire ? Le niveau d’inser­tion du frag­ment dans un texte cadre (cita­tion, nar­ra­tion) joue-t-il un rôle ? Ainsi, plus que l’écriture d’une émettrice, on y voit sou­vent l’inter­pré­ta­tion du des­ti­na­taire.

Dans la mesure où nous n’avons à notre dis­po­si­tion que fort peu de textes auto­gra­phes, une étude sty­lis­ti­que envi­sa­geant une écriture sera limi­tée. Il s’agira de deux extraits de let­tres de Cornelia. La ques­tion de l’authen­ti­cité de ces textes ayant été réso­lue, nous les tien­drons donc pour auto­gra­phes, et c’est sur eux seuls que nous pour­rons fonder notre étude.