ERAMA
 

Les légendes de fondation des royaumes chypriotes : mythe, identité, autorité & histoire

Anna Cannavo

Les récits mythi­ques connus, dans leur ensem­ble, sous l’appel­la­tion de « légen­des de fon­da­tion des royau­mes chy­prio­tes » sont alter­na­ti­ve­ment consi­dé­rés comme des sour­ces his­to­ri­ques à pren­dre au pied de la lettre, ou bien comme des contes fan­tai­sis­tes créés à de seules fins de pro­pa­gande poli­ti­que. Ces récits, qui rat­ta­chent les ori­gi­nes des royau­mes chy­prio­tes du pre­mier mil­lé­naire (XIe – IVe s. av. J.-C. env.) à des héros grecs du cycle des nostoi, sont attes­tés par des sour­ces en majo­rité assez tar­di­ves, mais leur valeur his­to­ri­que n’est pas pour autant niable. Si elles sont cor­rec­te­ment inter­pré­tées, ces tra­di­tions légen­dai­res lais­sent en effet appré­hen­der quel­ques éléments des stra­té­gies iden­ti­tai­res com­plexes élaborées par les rois chy­prio­tes au cours des époques archaï­que et clas­si­que.

Confrontées à d’autres sour­ces (monu­ments sculp­tés, mon­naies, ins­crip­tions, témoi­gna­ges archéo­lo­gi­ques), elles per­met­tent d’obser­ver les dif­fé­ren­tes stra­té­gies déve­lop­pées, et leur évolution dans le temps. Dans deux cas emblé­ma­ti­ques – les royau­mes d’Amathonte et de Salamine – on dis­pose d’éléments suf­fi­sants pour mettre en œuvre cette appro­che, et pour en tester la vali­dité. La mani­pu­la­tion de la figure du fon­da­teur cons­ti­tue, pour les rois et les élites au pou­voir, un moyen de légi­ti­ma­tion aussi bien qu’une réfé­rence idéo­lo­gi­que, autour de laquelle tout un sys­tème d’allu­sions et affi­cha­ges iden­ti­tai­res est soi­gneu­se­ment bâti. Le tableau com­plexe qui en résulte, dont on connaît nor­ma­le­ment très peu de détails, permet également de mettre en lumière les spé­ci­fi­ci­tés de chaque royaume vis-à-vis des autres.