ERAMA
 

Jouer avec les présages : remarques sur les fonctions du rire dans l’énoncé prodigial

« Il est étrange qu’un harus­pice ne rie pas quand il ren­contre un harus­pice ». Dans la bouche de Caton (Cic., Nat. D., 1, 71), la remar­que est une atta­que iro­ni­que contre un art divi­na­toire qui n’est à ses yeux que trom­pe­rie et conni­vence mali­gne. Il se moque là d’indi­vi­dus qui béné­fi­cient pour­tant, dans la société romaine, d’une double auto­rité, que leur confè­rent la pos­ses­sion d’un savoir tech­ni­que et, pour cer­tains, la par­ti­ci­pa­tion offi­cielle aux rituels publics. Le nœud pro­blé­ma­ti­que est là : les rires et plai­san­te­ries, fré­quents dans les récits de signes pré­mo­ni­toi­res, sont-ils seu­le­ment une mise à dis­tance cri­ti­que, qui dénonce des pra­ti­ques super­sti­tieu­ses ou irra­tion­nel­les ? Ou par­ti­ci­pent-ils également, à l’inverse, à cons­truire la cré­di­bi­lité des pré­sa­ges en ren­for­çant l’auto­rité de ceux qui les inter­prè­tent ? En nous appuyant en par­ti­cu­lier sur des extraits d’his­to­riens de la fin de la République et de l’Empire, nous inter­ro­ge­rons quel­ques aspects des rela­tions pri­vi­lé­giées et sub­ti­les qu’entre­tien­nent le rire et le sacré divi­na­toire.