ERAMA
 

S. Kuttner-Homs, « L’auto­rité de la Rhétorique d’Aristote à Byzance : un maître ina­voué »

Stanislas Kuttner-Homs (Caen)

À cause du poids de l’auto­rité d’Aristote sur les auteurs qui lui sont pos­té­rieurs et de la for­tune rare que lui a réser­vée l’ensei­gne­ment médié­val en Occident, il est com­mu­né­ment admis que la pré­sence du Stagirite s’est per­pé­tuée à Byzance. Or, à y regar­der de plus près, cette poten­tielle dif­fu­sion de l’auto­rité d’Aristote et de son oeuvre à tra­vers le temps et, sur­tout, dans le cadre précis des élites grec­ques médié­va­les de Constantinople, ne semble pas aussi assu­rée : il sem­ble­rait en effet que les Lettrés byzan­tins aient rompu avec le corpus aris­to­té­li­cien vers le VIe s. et ce jusqu’au XIIe s., lui pré­fé­rant, pour les tra­vaux méta­phy­si­ques, ceux de Platon, pour les théo­ries poé­ti­ques, celles d’Hermogène le Rhéteur (IIe-IIIe s.), et, pour ce qui est des ana­ly­ses phy­si­ques, l’oubli.

En par­tant du rap­port des auteurs byzan­tins à l’imi­ta­tion des Classiques, la ques­tion des méca­nis­mes de l’inter­tex­tua­lité en tant que com­mé­mo­ra­tion, ou abo­li­tion, de l’auto­rité, sera abor­dée grâce à l’exem­ple de la Rhétorique, dont l’absence de com­men­tai­res et la maigre trans­mis­sion manus­crite parais­sent témoi­gner du peu d’inté­rêt que l’ouvrage sus­ci­tait. On se deman­dera si ce cons­tat est cor­ro­boré par les textes byzan­tins (scho­lies et textes), afin de pro­po­ser, dans la pers­pec­tive tracée par les tra­vaux de B. Schouler, l’hypo­thèse d’une défi­ni­tion de la rhé­to­ri­que à Byzance.

Aussi, on se pen­chera sur le cas par­ti­cu­lier des cer­cles intel­lec­tuels de l’Âge com­nène (XIe-XIIe s.), dont l’ambi­tion paraît avoir été la remise à l’hon­neur d’Aristote. Outre le fameux com­men­taire d’Anne Comnène (1083-1153), dans le proème de son Alexiade, signa­lant que la prin­cesse était versée dans le corpus aris­to­té­li­cien, on étudiera pré­ci­sé­ment le proème de l’Histoire de Nicétas Chôniatès (1155 ?-1217 ?), dans lequel l’auteur semble avoir réé­crit un ou plu­sieurs extraits de la Rhétorique sans jamais la nommer expli­ci­te­ment.

Ce jeu de ten­sion aura pour enjeu la réé­va­lua­tion de la place d’un texte fon­da­teur de l’esthé­ti­que occi­den­tale à tra­vers le prisme byzan­tin et l’esquisse de répon­ses à l’effa­ce­ment d’une figure d’auto­rité lit­té­raire.