Séverin dirigea la communauté romaine du Norique entre 455 et 482 après J.-C. dans le contexte de l’effondrement de l’autorité impériale en Occident. Il n’accepta cependant jamais de titre institutionnel et refusa notamment l’épiscopat, alors même qu’il agit en leader politique des Romains du Norique. Il donne ainsi des ordres au tribun militaire Mamertinus.
Le refus radical de fonder son autorité sur un socle institutionnel le conduit à chercher d’autres fondements à celle-ci. De fait, elle réside dans la construction d’un personnage de uir sanctus, de « saint homme », tel que le décrit Eugippe en 511 dans la Vita Seuerini. Ce personnage est mis en scène de manière théâtrale lors de chacune de ses interventions publics selon deux méthodes. D’une part, les jeûnes et l’endurance, incarnée par l’absence de chaussures dans un pays froid, lui permettent de renvoyer l’image d’un homme doué de capacités hors du commun. D’autre part, chaque prise de parole publique est précédée de prières ostentatoires et de larmes, ce que résume la formule fusis ilico lacrimis in oratione prostratus est (« fondant en larmes, il se plongea aussitôt en prières », Vita Seuerini, 14).
Cette modalité d’action peut être comparée à d’autres épisodes similaires, notamment à la négociation menée par Épiphane de Pavie auprès de Gondebaud en 494. Épiphane et son collègue Victor s’adressent au roi Burgondes « en pleurant » (ENNODIUS DE PAVIE, Vita Epifani, 164).
Une telle interrogation de l’autorité du saint mise en scène par des rituels de pleurs, de souffrance, de jeûne ou de prières ostentatoires, pourrait ainsi s’intégrer dans l’axe 1 du colloque, « Représenter l’autorité, objets et gestuelles », dans la mesure où elle considère la gestuelle et les rituels de l’autorité non institutionnelle du « saint homme ».