ERAMA
 

Marie Pauliat, « Cathedram Moysi sedent (Mt 23, 2) : la repré­sen­sa­tion de l’auto­rité du pré­di­ca­teur dans les Sermones in Matthaeum d’Augustin d’Hippone »

Marie Pauliat (Lyon 2)

La figure du pré­di­ca­teur et son auto­rité sont sou­vent repré­sen­tées dans les ser­mons augus­ti­niens qui com­men­tent un texte mat­théen. La cathe­dra, la chaire depuis laquelle l’évêque prêche, assis, en est un des sup­ports pri­vi­lé­giés, hérité de la litur­gie juive via le pre­mier évangile ; elle permet à Augustin d’expo­ser les traits carac­té­ris­ti­ques des mau­vais pré­di­ca­teurs et, par contraste, l’atti­tude propre aux bons.

Alors, en effet, que les scri­bes ne tirent pas du « bon trésor de leur cœur » la vérité que déli­vre leur ensei­gne­ment (cf. Mt 12,35), et bien qu’« ils disent et ne fas­sent pas » (Mt 23,3), l’obéis­sance leur est due parce qu’ils « sont assis sur la chaire de Moïse » (Mt 23,3), dont l’auto­rité rejaillit sur le contenu de leur pré­di­ca­tion ; le défaut qui les carac­té­rise se résume, selon une inter­pré­ta­tion, assez rare chez Augustin, à ne pas avoir su tirer du trésor des Ecritures le neuf qui seul éclaire l’ancien (cf. Mt 13,52), c’est-à-dire à n’avoir pas su reconnaî­tre le Christ dans les figu­res qui l’annon­çaient (cf. Sermon 74,5).

Telle est pré­ci­sé­ment la capa­cité du véri­ta­ble pré­di­ca­teur qui, par­lant dans l’école ter­res­tre de celui dont la cathè­dre est au ciel (cf. Sermon 292,1), sait que, comme chacun de ses audi­teurs, il est audi­tor avant d’être prae­di­ca­tor de l’unique Maître commun à tous. La fonc­tion de sa pré­di­ca­tion s’ins­crit dans l’économie de la Révélation ; elle est avant tout d’aver­tir chacun de retour­ner en lui écouter le Maître inté­rieur. Cette pers­pec­tive, qui met en pra­ti­que l’ensei­gne­ment théo­ri­que du De Magistro et s’enra­cine dans l’ecclé­sio­lo­gie augus­ti­nienne, conduit l’Hipponate à repré­sen­ter la chaire comme le lieu d’un ser­vice par­ti­cu­lier qu’il rend à l’auto­rité com­mune à tous dans son Eglise. C’est ce que nous nous atta­che­rons à démon­trer, en étudiant cer­tai­nes inter­pré­ta­tions augus­ti­nien­nes du pre­mier Evangile.