La figure du prédicateur et son autorité sont souvent représentées dans les sermons augustiniens qui commentent un texte matthéen. La cathedra, la chaire depuis laquelle l’évêque prêche, assis, en est un des supports privilégiés, hérité de la liturgie juive via le premier évangile ; elle permet à Augustin d’exposer les traits caractéristiques des mauvais prédicateurs et, par contraste, l’attitude propre aux bons.
Alors, en effet, que les scribes ne tirent pas du « bon trésor de leur cœur » la vérité que délivre leur enseignement (cf. Mt 12,35), et bien qu’« ils disent et ne fassent pas » (Mt 23,3), l’obéissance leur est due parce qu’ils « sont assis sur la chaire de Moïse » (Mt 23,3), dont l’autorité rejaillit sur le contenu de leur prédication ; le défaut qui les caractérise se résume, selon une interprétation, assez rare chez Augustin, à ne pas avoir su tirer du trésor des Ecritures le neuf qui seul éclaire l’ancien (cf. Mt 13,52), c’est-à-dire à n’avoir pas su reconnaître le Christ dans les figures qui l’annonçaient (cf. Sermon 74,5).
Telle est précisément la capacité du véritable prédicateur qui, parlant dans l’école terrestre de celui dont la cathèdre est au ciel (cf. Sermon 292,1), sait que, comme chacun de ses auditeurs, il est auditor avant d’être praedicator de l’unique Maître commun à tous. La fonction de sa prédication s’inscrit dans l’économie de la Révélation ; elle est avant tout d’avertir chacun de retourner en lui écouter le Maître intérieur. Cette perspective, qui met en pratique l’enseignement théorique du De Magistro et s’enracine dans l’ecclésiologie augustinienne, conduit l’Hipponate à représenter la chaire comme le lieu d’un service particulier qu’il rend à l’autorité commune à tous dans son Eglise. C’est ce que nous nous attacherons à démontrer, en étudiant certaines interprétations augustiniennes du premier Evangile.