Dans les cités grecques dont le gouvernement est démocratique, les assemblées détiennent l’autorité politique – le κῦρος –, qu’elles délèguent aux magistrats pour accomplir une fonction définie en un temps déterminé, au terme duquel ils doivent rendre des comptes – εὔθυναι – de leur action. Ce système politique, qui doit en principe éviter l’accaparement de l’autorité par un seul, connaît de fréquentes dérives. De fortes personnalités parviennent en effet à gagner la confiance de leurs concitoyens et à exercer leur ascendant sur les institutions. Il suffit de rappeler le mot de Thucydide à propos de Périclès (II 65, 9) : « c’était en parole une démocratie, en fait le gouvernement du premier citoyen ». À l’époque hellénistique, les cités doivent en outre compter avec l’autorité des rois, puis des magistrats romains, qui, à divers degrés, imprime de sa marque la vie publique.
Au-delà d’une analyse en terme de dysfonctionnement ou de limitation de la démocratie, je propose d’examiner comment une institution fondamentale de ce régime, le système des honneurs, et notamment la représentation honorifique, contribue à la construction et à la reconfiguration permanente de l’autorité dans la cité. Les représentations honorifiques, publiques comme privées, témoignent de l’équilibre instable entre la quête de reconnaissance et d’autorité des notables et la nécessité pour les institutions de maîtriser cette ostentation, sans renoncer aux largesses des bienfaiteurs. Des études de cas – Rhodes, Priène, Pergame, Thasos – pour lesquelles seront mobilisées des sources variées – textes littéraires, décrets, bases de statues et fragments sculptés – montreront qu’au sein de communautés civiques restreintes, la présence monumentale des individus dans les ἐπιφανέστατοι τόποι est un élément essentiel de la construction de leur κῦρος.