ERAMA
 

Alexandre Vincent, « Faire enten­dre l’auto­ri­té : quel­ques ré­flexions sur l’usage des sons par le pou­voir impé­rial »

Alexandre VINCENT (Ecole Française de Rome)

« Un roi règne, non par la volonté du peuple, mais par son droit natu­rel, parce qu’il s’appelle lion, or il n’est pas de lion sans cri­nière »1. Il en va des régi­mes poli­ti­ques comme du lion de Paul Veyne : s’il est évident pour tous que leur auto­rité s’impose aussi par des mani­fes­ta­tions sym­bo­li­ques, les his­to­riens se concen­trent quasi exclu­si­ve­ment sur leur dimen­sion visuelle. Statuaires, numis­ma­ti­ques ou même archéo­lo­gi­ques : les études des sys­tè­mes sym­bo­li­ques du pou­voir s’appuient uni­que­ment sur la vue2. L’ambi­tion de cette com­mu­ni­ca­tion est de leur adjoin­dre une dimen­sion sonore : il s’agira donc de s’inté­res­ser moins à la cri­nière qu’au rugis­se­ment.

En effet, les sour­ces per­met­tent une recons­ti­tu­tion ana­ly­ti­que du pay­sage sonore du passé, par­ti­cu­liè­re­ment lorsqu’il s’agit des plus hautes sphè­res du pou­voir. Les textes his­to­ri­ques et lit­té­rai­res ainsi que les ins­crip­tions de musi­ciens pro­fes­sion­nels ouvrent la voie à une his­toire poli­ti­que des sono­ri­tés à l’époque impé­riale. Que ce soit par l’uti­li­sa­tion de la musi­que dans les céré­mo­nies publi­ques (rites reli­gieux, pro­cé­du­res judi­ciai­res, triom­phes…) ou la répres­sion de sono­ri­tés jugées déran­gean­tes, les auto­ri­tés romai­nes ont montré une atten­tion réelle au sonore qu’il serait dom­mage de lais­ser végé­ter dans les oubliet­tes de l’his­to­rio­gra­phie. Attribut imma­té­riel du pou­voir, le son en est aussi un vec­teur de dif­fu­sion spa­tiale au sein d’un lieu donné, raison pour laquelle nous pro­po­sons d’insé­rer cette com­mu­ni­ca­tion dans l’axe pro­blé­ma­ti­que numéro deux.

P. Veyne, « Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l’empire romain », RH, 2002-1, p. 24.

On pense évidemment au premier chef au magistral ouvrage de P. Zanker, Augustus und die Macht der Bilder, Munich, 1987.